La Zone d'Intérêt

19 février 2024

Nouveau film de Jonathan Glazer : « La zone d’intérêt ». 10 ans déjà depuis le dernier film de Jonathan Glazer, qui avait sorti en 2014 « Under the skin », véritable ovni cinématographique quasiment sans dialogue, avec Une scarlett Johansson en extraterrestre masculinicide. Jonathan Glazer qui a un parcours un peu particulier puisqu’il s’est fait connaître en réalisant des clips, et pas des moindres, de Radiohead à Björk en passant par Jamiroquai ou Massive attack.

 

Son passé de réalisateur de clips présent dans ses films?

 

Cela a donné des premiers films à la force visuelle très marquée, par exemple « Birth », chef d’œuvre sur le deuil, avec Nicole Kidman. Des films avec une place laissée au son très importante, et un certain goût pour l’utilisation de fréquences basses anxiogènes, notamment.
 

 

La zone d’intérêt

 

Le sujet du film est tel que Jonathan Glazer n’a pas voulu l’esthétiser. Il s’agit de la vie quotidienne d’une famille, la famille de Rudölf Höss, commandant du camp de concentration d’Auschwitz, dont on suit le quotidien, dans leur belle propriété au jardin bucolique et aux pièces multiples, qui jouxte le camp de concentration. Qui le jouxte pour le film mais également dans la réalité puisque la zone d’intérêt, qui a demandé à Glazer dix ans de travail, a été tournée dans la propriété en question. On aperçoit ainsi les miradors et cheminée des camps depuis le jardin. Mais on ne pénètre jamais à l’intérieur des camps dans le film. Les camps sont en hors champ uniquement suggérés par les sons (des fusillades, des bourdonnements, des cris, qui viennent non pas interrompre mais faire un fond sonore au quotidien de la famille), par la présence des murs barbelés qui clôturent le jardin ou par des détails du quotidien (telle la bonne qui nettoie les bottes du commandant, pleines de sang). Et cette suite de détails qui viennent s’amonceler rendent peu à peu le film glaçant. Le caractère insensé de cette famille qui semble ne voir que sa carrière pour l’homme, que son confort pour la femme, occultant absolument et intégralement l’extrême proximité des camps. Pour éviter de donner une quelconque chaleur à ses images, Glazer compose son film de plans uniquement filmés sur pieds, dix caméras étaient présentes dans la maison, et une soixantaine de micros, les équipes techniques réalisateur y compris, se situant à l’extérieur.

 

 

Un peu comme une téléréalité

 

Glazer lui même dit s’être inspiré de ces procédés. La composition des plans est froide, rigoureuse et géométrique, comme pour rendre plus glaçant ce qui est filmé, par exemple: les décisions d’ingénieurs validés par l’administration pour décider du rendement des crémations humaines (parce qu’en effet, ce caractère presque professionnel et trivial de l’organisation de l’atrocité a existé) Une banalité du mal, pour reprendre la formule d’Hannah Arendt.

 

Mais là ou le film est probablement le plus marquant, c’est dans le jeu de renvoi vers le spectateur. l’aveuglement des protagoniste est tel (on pense aux enfants qui jouent aux osselets avec des dents), la banalité du mal si forte qu’elle nous renvoie à nos propre aveugléments, notre empathie délaissée pour le confort, ou nos décisions aveugles. Aussi impensable que cela puisse paraitre, cela a existé. Un rappel plus que jamais nécessaire semble t-il. Le film a obtenu un prix de la mise en scène plus que mérité à Cannes, et si vous n’avez qu’un film à aller voir en ce moment, vous pouvez courir voir celui ci. Mais vous êtes prévenu: on n’en ressort pas indemne.

 


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